Critique du deuxième long métrage de Peter Monsaert et palmarès du FIFA
Sous le ciel flamand

Un chien qui aboie furieusement derrière une grille, un homme qui jette dans le feu cadres et tableaux, une comptine, puis le visage d’une petite fille. C’est Eline, six ans, (Esra Vandenbussche) et elle se prépare pour l’école où la conduit sa mère, Sylvie (Excellente Sara Vertongen, sa mère dans la vie réelle). On est dans une petite ville à la frontière entre la Flandre occidentale et la France. Sylvie part à son travail comme tous les jours : elle gère, avec sa mère, Monique, Le Ciel flamand, un lieu où elle « aide les gens quand ils ont besoin de câlins » comme elle l’explique à sa fille qui la voit tous les jours sortir d’une maison pour venir déjeuner avec elle dans la voiture de sa grand-mère. Bien sûr, elle n’a pas le droit d’entrer dans le bordel. Et lorsque Monique et Sylvie sont toutes deux occupées avec les clients, Eline est confiée à « Tonton Dirk » (Wim Willaert, touchant dans ce rôle ), un chauffeur de bus qui l’emmène et s’en occupe avec beaucoup de tendresse
Jusqu’au jour où Eline, qui a entrevu une altercation devant la porte du Ciel Flamand, pénètre dans l’endroit interdit et, tel le petit Chaperon Rouge dans la forêt, croise le loup, un Français dont elle ne comprend ni la langue, ni les intentions.. Pour elle, c’est normal de faire des câlins… C’est avec beaucoup de pudeur que Peter Monsaert filme cette rencontre, par les yeux purs d ’Eline qui ne retiendra de ce moment que les chaussures noires de « Robert » .
A partir de là, on s’en doute, rien ne sera plus comme avant, ni pour Eline, qui ne parle plus, fait des cauchemars, est en butte à l‘école à des insultes « Ta maman est une sale pute » … Ni pour Sylvie, en proie à une terrible culpabilité, qui voudrait retrouver l’homme qui abusé de sa fille, ni pour « Tonton Dick » que la petite ne veut plus voir et qui va lui aussi rechercher le « monstre »…
Peter Monsaert qui avait déjà abordé la famille dans son film précédent, Offline signe là un film âpre, sous un ciel flamand, gris et sombre, incitant le spectateur à remettre en question son approche de la prostitution «Je voulais normaliser la prostitution. Les filles que j’ai rencontrées quand je faisais des recherches pour le film insistaient sur le fait qu’elles ne sont pas qu’une profession. Elles sont des femmes, des mères, des filles, des sœurs, pas seulement des prostituées. » Il nous invite aussi à nous poser la question de nos propres choix de vie et des conséquences éventuelles sur les enfants. » Quand mes jumelles sont nées, j’ai ressenti de l’amour, mais aussi de la peur et de la vulnérabilité, des émotions que je n’avais jamais ressenties. Que serais-je capable de faire si quelqu’un leur faisait du mal ?J’ai décidé d’en faire un film. »
Un film qui n’a pas encore trouvé de distributeur en France et qui vient d’obtenir le Prix du meilleur film au Festival International du Film d’Aubagne.
ANNIE GAVA
Mars 2017
Le Festival International du Film d’Aubagne s’est tenu du au 25 mars 2017
04 42 18 98 10
aubagne-filmfest2017.com
©Lunanime
Voici le PALMARÈS de la 18e édition
LONGS MÉTRAGES
Grand Prix de la meilleure musique originale : Souffler plus fort que la mer de Marine Place – Musique originale Emile Parisien
Prix du meilleur film : Le Ciel Flamand de Peter Monsaert
Prix de la meilleure Mise en scène : Es Esmu Seit de Renars Vimba
Prix du meilleur scénario : 1:54 de Yan England.
Prix de la meilleure interprétation masculine : Kevin Azaïs dans Compte tes blessures de Morgan Simon
Prix de la meilleure interprétation féminine : Elina Vaska dans Es Esmu Seit de Renars Vimba
Mention spéciale : Le Passé devant nous de Nathalie Teirlinck.
COURTS MÉTRAGES
Grand Prix de la meilleure musique originale : Le Monde au balcon d’Antoine Bailly. Musique originale : Grégoire Letouvet
Prix du meilleur film de fiction : Mamma de Julia Lindström
Prix du meilleur film d’animation : La Bite de Pierre Mortel & Jérôme Leroy
Prix Mathieu Hoche du Meilleur documentaire : 1637°C de Mareike Müller
Prix de la meilleur création cinématographique germanophone : Die brucke uber den fluss de Jadwiga Kowalska
Mention à Minh Tam de Vincent Maury
Prix du public: Houvast de Charlotte Scott
Prix Alexandre Sanchez : Le Temps perdu de Paul Bernhard
Prix collégiens : Oscar et Adelaide d’Aurélien Kouby et C’est du caviar de Sarah Lelouch
Prix de la nuit du court métrage : Import de Ena Sendijarevic