La renverse d'Olivier Adam : un roman sur les dégats collatéraux du scandale et les blessures incurables
Cure de réveil

La renverse, ainsi s’intitule le nouveau roman d’Olivier Adam. Comme le précise la définition placée en exergue à l’ouvrage, ce mot désigne une « période de durée variable séparant deux phases de marée durant laquelle le courant devient nul ». Synonyme : l’étale. L’existence d’Antoine, le narrateur, semble en être là, à l’étale. Une existence en retrait, dans une sorte de réclusion volontaire, à peine traversée par un petit travail dans une librairie et une histoire (peut-il vraiment l’appeler ainsi ?) avec Chloé. La nouvelle de la mort accidentelle de Jean-François Laborde va néanmoins casser le cours -ou l’absence de cours- de cette vie sous anesthésie. Ce nom le ramène des années en arrière, quand, adolescent, il vivait à M. avec ses parents et son jeune frère. Laborde, alors maire de la ville, avait été mêlé à une sordide affaire de mœurs. Et sa mère avec lui. La mort de Laborde réactive la mémoire d’Antoine, le lançant sur les routes (il retourne à M. pour les obsèques), à la rencontre d’un passé qu’il a fui et dont il va tenter de dénouer les fils, enfin. Pour enfin, peut-être, pouvoir « commencer à vivre »…
On retrouve avec plaisir les lieux chers à Adam, sa géographie particulière : la mer, toujours, avec ses nuances et ses colères ; la lande battue par le vent ; les banlieues pavillonnaires qui servaient déjà de cadre aux Lisières (2012). On y retrouve aussi un narrateur solitaire, qui a longtemps préféré ne pas voir, ne pas essayer de comprendre. On y retrouve enfin les non-dits familiaux et les blessures incurables des enfances négligées. Du scandale qui a inspiré le roman Olivier Adam montre précisément les dégâts collatéraux, chez certains des enfants en particulier. Il débusque également l’hypocrisie et le cynisme de la bourgeoisie bien-pensante. Une charge violente, et parfois glauque, contre les familles « convenables » et les dessous de certaines politiques locales.
FRED ROBERT
Mars 2016
La renverse
Olivier Adam
Éditions Flammarion, 19 €